Promesses de changements? La grande farce!

Promesses de changements? La grande farce!

kiki

Restructuration, nouveaux objectifs, plans d’action, les gouvernances de nos entreprises s’affolent et se retrouvent démunies face aux défis majeurs à relever. On parle de changement…

Une nouvelle ère s est ouverte! Dans les librairies la littérature économique nous offre florilège de concepts obscurs. Les cabinets de consultants proposent des accompagnements indigestes, financièrement inabordables. Nombre d’articles et conférences ou Mooc promettent des boussoles pour s’y retrouver dans cette jungle de la nouvelle ère de l’Intelligence Artificielle, univers digital qui n’a à la bouche que le mot « dématérialisation ».

Au café du commerce on entend les chefs d’entreprise se plaindre que les collaborateurs les plus jeunes jouent les divas et refusent les postes, qu’ils partent à peine formés, les plus anciens ne sont plus motivés… alors que faisons-nous ?

Pour comprendre l’évolution du fonctionnement de nos entreprises, il me semble essentiel de balayer les dernières années que nous avons vécues. La production est passée de l’artisanat à une activité industrielle, puis nous avons assisté à une nouvelle mutation et vous êtes devenus des sociétés « servicielles ».

Les besoins se sont diversifiés, les rythmes intensifiés et les interlocuteurs sont désormais, non plus des professionnels mais des généralistes (acheteurs ou marketeurs).

Le marché a incité les entreprises à tenter de se rendre plus performantes en se dotant d’outils qui allaient de plus en plus vite afin de répondre à l’accélération du cycle de la demande client.

Vous avez été obligés de recruter dans l’urgence sans avoir eu le temps de vous interroger sur les flux de production et liens interpersonnels, le rôle de chacun, la nécessité de faire évoluer vos organisations.

Alors pour sécuriser ces nouvelles activités, l’encadrement a ajusté ses pratiques managériales. Il nous a été proposé de décomposer les tâches, de mesurer, de poser des indicateurs de performance, normer, contrôler, formaliser en oubliant ce sur quoi s’étaient construits les succès de ces entreprises ; le lien, l’envie, la maîtrise, le savoir-faire et le bon sens.

 C’est l’avènement du Lean, des normes, des objectifs. Si le pilotage a nécessairement besoin d’outils de navigation, n’aurions-nous pas intérêt à nous pencher sur l’équilibre « hommes / méthodes » pour plus d’efficience ? Comment ?

 OBJECTIF : PARTAGER LA VISION

Nous faisons face à deux phénomènes majeurs : nous avons dévié notre focus sur les moyens sans prendre en compte le besoin des clients. En même temps nous avons mal adapté nos comportements et messages managériaux

Dans l’univers du grand format les acteurs sont rompus à se plier aux exigences les plus farfelues du marché, parfois en dépit de la cohésion des équipes, avec par exemple des délais irréalisables qui mettent une pression importante sur la production.

Dans l’imprimerie traditionnelle certains « chefs de fab » règnent sur la demande client en omettant parfois sa casquette « service client ». Un devis est souvent urgent, une commande n’est pas « un problème ».

Quant à l’éditique et le marketing direct, la course à l’équipement complexe, la pression des délais et la sécurisation de la production pèsent sur les ambiances dans les ateliers. Beaucoup de reporting, de mesures, peu de formation et d’accompagnement.

Pour faire face à cette mutation, les cadres ont assommé les équipes d’injonctions paradoxales (occupe-toi du client mais attention à tes objectifs / fais de la qualité en quantité / c’est bien mais l’an prochain il faut faire mieux…). Nous n’avons plus écouté le terrain, et les managers intermédiaires se sont retrouvés dans la cisaille infernale d’informations contraires qui parvenaient de la hiérarchie et s’entrechoquaient avec les données de leurs collaborateurs.

Cela a eu pour effet de porter la valeur de l’excellence sur les outils et moins sur les hommes qui la composent. Ils ont l’impression de voir l’essence même de leur action réduite à un indicateur de performance.

Il s’agit donc de prendre un temps pour réécrire la road map de l’entreprise. Il est urgent redonner du sens aux missions que réalisent les individus composant vos équipes et nos organisations.

Qui sont vos clients ? Que leur proposez-vous ? Quel est votre objectif ? Quels moyens humains et matériels mettons nous à leur disposition ? Quel est le rôle de chacun dans la contribution collective de nos entreprises.

MANAGEMENT : SORTIR DES VIEUX MODELES

L’activité industrielle française est caractérisée par la subsistance d’organisations en silos d’expertises. Les « lignes métier » engendrent des dysfonctionnements et paralysent la collaboration entre les services. L’entreprise verticale est hiérarchique. Elle est composée d’experts rencontrant parfois des difficultés de partage, qui se concentrent plus spécifiquement sur les process, inhibant ainsi l’initiative et la créativité.

Un modèle plus agile s’impose pour soutenir vos ambitions. L’entreprise travaillant en transversalité repose sur la capacité des hommes à travailler ensemble, en transparence, et en lien dynamique avec leur environnement extérieur.

La refonte des modèles de l’exercice du travail est la seconde étape. Nous devons accepter de nous ouvrir à d’autres façons de collaborer ; télétravail, souplesse dans les horaires, temps partagés ou partiel. Est-il encore possible de tomber sur un répondeur à 17h30 dans certaines imprimeries quand les concurrents ont mis en place des relais pour répondre aux clients ?

ATTIRER LES TALENTS ET LES FIDELISER

L’incroyable nouveau paradigme auquel les employeurs se confrontent est le suivant : le cursus du pouvoir a changé de camp !

Les « bons éléments » ont le choix. Il est d’usage qu’un candidat ait plusieurs propositions, et l’entreprise peu de profils correspondant à ses attentes.

Pour retenir l’intérêt de l’élu d’une sélection, il vous faut faire montre de nouvelles qualités. Les motivations de la jeune génération ont changé. En témoignent les grands groupes boudés par les juniors. Il y a quelques années, l’arme efficace se résumait à une palette d’avantages sociaux ; RTT, Titre Restaurants, Mutuelle et rémunérations venaient en tête de liste des exigences.

Aujourd’hui, ils attendent un cadre de travail souple, accueillant, reconnaissant, participatif, responsable. Sinon… soit ils ne viennent pas, ou pire, ils partent en quelques mois. 50% des recrutement en IT échouent dans les 6 mois.

Et les séniors me direz-vous ? 51% d’entre eux se déclarent prêts à quitter leur emploi. Les insatisfaits qui restent « malgré tout », mais sont démotivés. Les chiffres en attestent : absentéisme ; présentéisme, baisse de productivité… Mais les avons-nous accompagnés dans ce monde en mouvement ? Sommes-nous condamnés à subir cette démobilisation ?

Il est grand temps d’interroger nos nouveaux modèles. Comment peut vivre une structure sans partition ? Les mesures, les tempos et méthodes restent indispensables à une économie maîtrisée et sur laquelle les indicateurs nous donnent des clés de croissance. Mais sans les hommes, les engrenages dérapent.

Nos vrais leviers résident en la prise en compte des deux richesses de l’entreprise : hommes et outils. Sans perdre de vue que les seconds doivent demeurer au service des premiers : l’entreprise construite pour répondre aux besoins de l’humanité.

Là réside certainement la vraie articulation du changement.

Elvire Daudigny del Fondo