Hyper-connexion, protéger les siens et s’en sortir.

Hyper-connexion, protéger les siens et s’en sortir.

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Alors que les entreprises rivalisent de créativité pour attirer et retenir les talents, les services ressources humaines voient le nombre d’arrêts maladie longue durée s’accroitre. Quel rapport me direz-vous ? Dans le Datascope 2022, l’observatoire de l’absentéisme désigne la porosité croissante entre vie privée et vie professionnelle comme la première responsable de l’augmentation des burnout.

D’un côté de l’échiquier, on travaille sur la « marque employeur », on essaye de répondre favorablement à une demande croissante de flexibilité sur les horaires, le télétravail et les modalités d’exercice des emplois. Depuis des années se succèdent des tendances pour que les meilleurs viennent rejoindre les rangs ; titres restaurant, comités d’entreprises pour les grandes enseignes, babyfoot, after work, chief happiness officer, salles de sport, crèche intégrée ou conciergerie… On repeint les murs, on crée des espaces repos, on invite des profs de yoga ou des masseurs pour l’heure du déjeuner … tout y est !

De l’autre, des salariés en quête de qualité de vie plus agréable succombent au chant de la Lorelei* et rejoignent ces employeurs qui vantent le rêve. Mais à bord du navire au bout de quelques semaines ou mois, l’équilibre est rompu. Épuisement, dépression, perte de sommeil, la litanie des maux provoqués par la souffrance psychologique s’allonge. Pourquoi ?

On a facilement pointé du doigt les manquements managériaux ; il est vrai que la pandémie n’a pas toujours permis d’accompagner les équipes dans la transformation de leurs modes d’interaction. Trois ans plus tard, forts des retour d’expériences, les feuilles de route sont plus claires. Le télétravail est mieux encadré, les organisations semblent en chemin pour atteindre un bon niveau de maturité managériale, et peu à peu, le collectif trouve ses marques.

Mais alors, qui sont les responsables de tant de souffrances au travail ? Pourrions nous imaginer que nous soyons tous acteurs de ce phénomène ?

En tant que clients,

Nous ne sommes-nous pas de plus de plus en plus exigeants ? Nos comportement de consommation ont changé, nos désirs doivent être comblés sans délai. Comme utilisateurs de services (qu’ils soient publics ou privés), l’erreur ou le dysfonctionnement ne sont plus tolérés ; on s’irrite, on se fâche ! Ne voit-on pas fleurir des consignes de « non-agression verbales » dans les administrations recevant du public ou les hôpitaux ?

Comme salariés et managers,

L’avènement des technologies de communication et l’utilisation généralisée des smartphones et de ordinateurs portables a provoqué chez les employés un besoin de se sentir disponible et joignable en dehors de heures de travail. Ils répondent aux messages de l’entreprise, aux sollicitations de l’environnement professionnel. Submergés par la peur de passer à côté de quelque chose d’essentiel et de se voir « exclu » d’une communauté, ils s’hyperconnectent. Les Américains nomment ce syndrome le FOMO (Fear Of Missing Out). Dans un tel contexte, difficile de se ressourcer, se détendre et reposer son esprit.

Au cœur d’un écosystème,

Bien entendu l’entreprise érige des règles ; le droit à la déconnexion est brandi ! Pourtant, quand le coéquipier part en congés, rien n’est fait pour éviter la submersion. Un ami revendiquait dernièrement son droit à se connecter pour ne pas être noyé par plus de six cents mails à son retour. On édicte des chartes de QVT, on exige la déconnexion, et dans le même temps rien n’est mis en place par le management pour accompagner la prise de repos.

Un néologisme vient d’être inventé pour ces jeunes cadres acharnés, incapables de lâcher leur travail pendant les vacances : les « tracances ». Tout est dit!

Et après on s’étonne ?

Quand le parent travaille à domicile, l’espace du foyer est perturbé.

–          L’attention des parents ; l’enfant peut se sentir négligé, isolé, son rythme et ses routines sont perturbés. La qualité du temps passé avec son enfant se dégrade et affecte les relations,

–          Les enfants sont exposés au bruit des réunions, des appels téléphoniques qu’ils ne doivent pas perturbés, les espaces de vie personnelles pour la famille sont réduits,

–          Il est souvent tentant pour le parent de laisser son bambin se gérer et le « poser » devant un écran pour pouvoir vaquer à ses occupations professionnelles,

–          Le modèle de comportements proposés aux enfants, très influencés par l’adulte est celui d’une connexion excessive. Sans autres repères que celui proposé par les parents, le jeune intègre comme normalité cette vie passée sur les écrans.

Le saviez-vous ? On observe que les salariés sujets au Burn-out perdent le contact avec la réalité, leur environnement. L’un des exercices permettant de renouer avec ses sensations consiste à travailler sur ses cinq sens. On réapprend à respirer, sentir, goûter, contempler, écouter, toucher… Alors je pose la question… n’est-il pas urgent de revisiter nos pratiques avant d’en arriver à réapprendre le « goût » de la vie, son parfum, ses silences et ses musiques, ses frissons, sa chaleur, ses couleurs, ses rythmes ? Éteignez vite et sortez !

*Lorelei est le nom d’une nixe (nymphe de la mythologie germanique) qui attire les navigateurs du Rhin jusqu’à leur perdition par ses chants, comme les sirènes de la mythologie grecque ancienne.

Elvire Daudigny del Fondo